BHL
Je n'ai jamais vu BHL aussi péteux. Non que cela me réjouisse mais on aperçoit ses limites lorsque la représentation de lui-même lui échappe. En général, je n'ai rien contre lui, hormis lorsqu'il se fourre un doigt empirique dans l'oeil. J'aime bien les linéaments de sa pensée, il raisonne bien, parle et écrit encore mieux. Après, une opinion n'est qu'une opinion. Mais il vient de témoigner dans un procès par lequel il n'est en rien concerné : une affaire de meurtre, possiblement aggravée de racisme. Le meurtre est patent, reconnu par le meurtrier. Mais le mobile raciste, lui, est loin d'être établi. Très loin même. Le tribunal devra en décider.
Mais BHL témoigne en sa seule qualité d'anti-raciste. Point. A cette aune, je puis également témoigner (çà va pas non !) en qualité d'exécrateur de racisme. On pourrait même appeler à la barre de ce procès tous les anti-racistes de France, de Navarre, et de leurs environs.
Indépendamment des raisons, forcément mauvaises, qui ont conduit au meurtre d'un maghrébin (ou faut-il dire d'un minoritaire visible), on sent le coup fourré en cette affaire. Un témoin, minoritaire visible lui aussi semble-t-il, a d'abord déclaré ceci : « J'étais à 200m, j'ai seulement entendu un coup de feu ». Signé. Certifié. Ce témoin a alors dit ce qu'il a voulu, n'a pas évoqué avoir subi de pressions vu qu'il n'était même pas en garde à vue. Il reconnaît encore maintenant au procès (non sans une gêne bien gélatineuse) sa déposition. Puis il est revenu sur ses déclarations et a dit : « J'ai entendu le meurtrier traiter sa victime de sale arabe ». Allons bon. A 200m. Et après avoir bien réfléchi. Et le procès prend alors une nouvelle tournure. Essayant de déterminer s'il s'agit d'un acte raciste, ou pas.
Je me pose une question, d'entrée : et si le témoin avait subi, par la suite, des pressions amicales (de qui ?) tendant à lui faire modifier son témoignage ? Tout simplement. C'est en tous cas ce que semble fortement présumer un magistrat, et les magistrats ne sont pas systématiquement idiots.
Voici donc que se mettent en branle toutes sortes d'organisations anti-racistes, BHL en tête. Quand l'anti-racisme devient aussi systématique, aveugle, et pervers, je ne l'apprécie guère plus que le racisme lui-même car il en devient un.
Seulement, en plein procès, le hic : BHL, cette fois, n'est pas devant une cour d'admirateurs béats, ou de journaux en quête de sensationnel pour écouler du papier, il est devant une cour, tout court. Et dans une cour, il y a des avocats, capables de lui claquer son beignet en public. Alors là, laissez-moi vous dire, la superbe dégouline comme un masque de cire qui fondrait. BHL paraît vingt ans de plus. Toute son intelligence – car il n'en manque pas – lui permet de sentir instantanément qu'il a mis les pieds là où il ne fallait pas, se ratatine devant l'argumentaire de type un plus un égale deux du défenseur du meurtrier. Qui est un meurtrier, rappelons-le, et pour lequel nous n'aurons aucune sympathie particulière. A moins qu'il ne se soit trouvé en état de légitime défense, ce que nul ne croit.
En substance, l'avocat dit à BHL : « Vous n'êtes pas témoin de cette affaire (en gros cela veut dire que BHL devait se trouver au moment des faits à quelques milliers de km de là si çà se trouve). Et cependant vous vous fendez d'un article fustigeant le racisme de mon client, sans rien savoir de lui. Mieux, vous vous présentez en personne comme témoin... »
« Euh... heu...heureusement...vous êtes là pour rétablir les faits... et c'est tout à l'honneur de la justice française... », commence à se débiner notre BHL .
J'avais attendu un grand discours, de sa part... des réparties percutantes, et sans réplique, comme à son habitude... Rien que des bafouillages.
Heureusement pour lui, l'avocat ne s'est pas acharné. Il désirait seulement démolir un témoignage qui eût pu devenir accablant, vu la stature du bonhomme.
Bon. Je dois dire que je suis en général assez admiratif de la rhétorique béhachélienne lorsqu'il est sur un bon coup (encore que personnellement je voie mal un philosophe s'engager, ce qui n'engage que moi). Je veux dire lorsqu'il traite d'une cause qui après tout peut se défendre. Mais il est tout aussi bon, le bougre, lorsque la cause est pourrie sans qu'on puisse apporter la preuve catégorique qu'elle est pourrie. Du grand art. De l'éloquence.
Ici, et à moins que le tribunal n'ait de raisons pertinentes de conclure au racisme, racisme il n'y a pas. Il condamnera le meurtrier pour ce qu'il a commis, et pas pour autre chose. Mais on voit à quel point le BHL peut mettre son vrai talent – que personne ne lui demande de déployer pour de mauvaises raisons – au service d'une cause bien pourrave : l'anti-racisme raciste. Car le racisme, qui est une tare intellectuelle, doit être pris au sérieux. Son traitement ne doit pas être dévoyé au service des petites frustrations ordinaires. Le cas s'apparente pour la forfaiture à celui du placement en hôpital psychiatrique par une famille pressée d'hériter avant l'heure du parent soi-disant incapable.
C'est par des manigances et des arrières-pensées de cet ordre que l'anti-racisme, au départ une belle idée, s'est depuis bien longtemps, depuis ses débuts pour ainsi dire ainsi que je le voyais trop venir, mais trop, ravalé au même rang d'indignité que ce qu'il est censé combattre.
Et dire qu'il y a des gens pour faire çà, de l'acabit de BHL.