Espace.
A la vitesse où se déplace un objet dans l'espace, il faudrait 16 ans pour atteindre l'étoile la plus proche de la Terre. Et 16 ans pour en revenir. Minimum. Car le tout n'est pas d'y aller pour crever sur place. Ou de jouer les Robinson Crusoë à attendre qu'un bateau passe.
C'est le genre de petit calcul que je vous fais, tranquille, de tête, en mangeant ma sardine. Le problème c'est les zéros. Ou les puissances, comme on veut. Il m'arrive d'en oublier dans mes poches, ou au contraire de m'en retrouver d'un calcul précédent. Ce qui est fâcheux, je le reconnais, lorsqu'il s'agit de passer 10 ans de plus ou de moins dans l'espace (enfin façon de parler) d'une studette, qui est par conséquent encore plus petite qu'un studio. Et je glisse sur les petits inconvénients plus ou moins ménagers voire plus si affinités, de la promiscuité. Car il arrive aussi que les affinités se désaffinent. Et alors là... On a beau étudier tous les cas de figure de désamorçage des conflits, çà peut même tourner à la guerre de tranchées. D'ailleurs je suis à peu près certain que si des hommes se posaient sur une planète aussi éloignée que celle évoquée plus haut, la première chose qu'ils feraient serait de sauter sur les pelles et les pioches pour creuser des tranchées.
Mais bon, admettons. Admettons. Rien ne dit que l'étoile la plus proche, à 16 ans de navette – c'est comme quand on dit ici-bas : oh, c'est tout proche, à peine deux heures d'avion. Sans doute, mais c'est aussi à trois semaines de cheval ! - donc de navette, héberge une planète dont les conditions ne nous soient pas définitivement hostiles. Il ne s'agit pas, en se posant, de fondre la navette comme on fond la carte-mère. Ou de la congélifier ad vitam aeternam. On en a besoin, de la navette. Pour repartir. Donc s'il faut aller voir ne serait-ce que jusqu'à la prochaine étoile la plus proche, c'est tout de suite 16 ans de plus, au bas mot. Car les étoiles ne se touchent pas, en dépit des apparences. Et comme à mon avis, même si çà existe car tout existe dans l'univers, (car Dieu a dit : « Je m'en vais leur montrer à ces petits cons l'étendue de ma puissance »), trouver une étoile qui héberge une planète à peu près compatible avec nos modes de vie, il faut en explorer au moins 17.882. Et une chance sur 17.882 c'est déjà optimiste. Et 17.882 fois 16 ans, ben tiens, çà ne se trouve pas sous le sabot d'un gnou. Cà fait près de trois cent mille ans, référentiel terrestre. C'est à dire humain. A peu près autant de temps qu'il nous en a fallu pour passer du propulseur à branche au propulseur spatial. Et encore. Depuis notre première apparition sur Terre en tant qu'espèce ! C'est à dire qu'ailleurs, sur cette planète à explorer qu'on savait au départ hantée seulement par des dinosaures débiles, rien que le temps du voyage et quand on arrive, oh pardon, c'est habité. Et même que les autochtones sont en pénurie d'eau potable. Et nous on vient les emmerder par dessus le mercat.
Tandis qu'en même temps, sur Terre, trois cent mille ans se seront aussi écoulés même si le voyage distend les pendules et soit on sera tellement avancés que la nouvelle navette sera passée devant la première alors qu'on aura oublié depuis longtemps (300.000 ans) l'avoir lancée, rendant déplacé le déplacement, soit il n'existera plus personne ici depuis longtemps. Et si çà se trouve, à l'intérieur de la première navette, les gens se seront reproduits pendant 300.000 ans, donnant naissance à une nouvelle espèce, semant des cadavres derrière eux comme on jetait jadis les linceuls à la mer car on ne peut pas enterrer du monde dans des tranchées creusées à bord. A moins qu'on les recycle. En eau et nourriture, après tout c'est des protéines.
Que vont donc faire ces gens si loin, à part s'extasier sur la puissance de Dieu ? Car on change de dimension. Ce n'est plus découvrir l'Amérique ! On ne revient pas de la planète Twilo à la nage, ou avec quatre bouts de bois et une toile.
Non, ce rêve d'une autre Terre est très déraisonnable. C'est bien simple, je ne le sens pas. Quoi que nous fassions, c'est ici qu'il faut le faire. Et j'ai bien peur que ce que nous ayons à faire ici soit assez terrifiant. En ce moment, nous dormons, nous nous berçons de belles illusions d'un monde meilleur, comme une autre Terre, un autre gouvernement, mondial pourquoi pas. Mais ce qui va nous tomber sur le bec est aussi épouvantable que la prochaine météorite géante qui doit elle aussi tomber un jour.
Je vous fais peur ? Et si je vous disais que ce qui doit venir est bien plus énorme que ce que vous pouvez craindre ? Zorba, prophète de malheur ? Tiens c'est nouveau çà ! Un nouveau métier s'ouvrirait-il à moi ?
Remarquez que, avec ma manie de perdre ou de retrouver des zéros, il y a aussi de bonnes chances que je me plante un peu. Mais le principe est bon.