Bottes.

Publié le par zorba

 

 



Ma fille s'est acheté des bottes, il y a près d'un an. Ce sont des bottes spéciales. Sinon, vous pensez bien que je n'userais pas votre patience jusqu'à la trame pour vous parler des bottes de ma fille.

Elle n'a pas acheté des Santiags par exemple. Noooon. Cà fait vieux. Cà fait vieux peut-être, mais parmi mes paires de Santiags, fabriquées pour la plupart au Mexique, certaines ont été ressemelées cinq ou six fois (les plus anciennes pardi, je ne fais pas ressemeler des Santiags neuves, çà va pas ? Encore que... Faire ressemeler des Santiags neuves par dessus la semelle neuve permet de conserver neuve la première couche de cuir...enfin je me comprends.) C'est bien simple, une paire de Santiags vous suivrait jusqu'en enfer. Et je mâche bien mes mots. Elles finissent pas devenir pantoufles. Un peu hautes sur le jarret, certes, mais pantoufles quand même. Et puis ce n'est pas trop voyant si vous faites retomber le bas du falzar par dessus. Bref, la Santiag, je ne vois pas mieux pour l'homme pressé, rustique, et passe-partout.

Elle n'a pas acheté non plus des increvables, type Rangers, ou Doc Martens. Noooon. Je ne sais même pas où est fabriqué ce machin qu'elle s'est acheté. Peut-être en Chine allez savoir. J'espère juste qu'elle ne les a pas payées trop cher. Je pense que celui qui a fabriqué ces bottes devait être peintre, de son métier. De ceux que l'on entend siffler sur les échafaudages. Et très récemment reconverti. Très très récemment. Ce matin.

Le problème, c'est qu'elle les aime, ses bottes. Elle leur est d'une fidélité assez étonnante. Car ses bottes, sa fidélité, elles ne la lui rendent pas. C'est le moins qu'on puisse dire. Pas comme les Santiags. Qui vous suivraient jusqu'en enfer. En traversant des champs de mines. Forcément. Si vous sautez, c'est l'enfer direct, contrat respecté. Les bottes à ma fille, c'est tout le contraire, tout juste si elles ne la laisseraient pas partir nu-pieds. C'est d'ailleurs bel et bien ce qu'elles font. Heureusement qu'elle sont équipées, tout de même, de lacets, ou de crochets quelconques, sinon leur semelle lui battrait le mollet avant d'aller taper le bitume à chaque pas. Pour donner une idée, elle a dû les porter une vingtaine de fois, en tout. Et donc, une vingtaine de fois, elle sont repassées entre mes mains. Pas pour que je les foute en l'air, malheur de mes os ! Nooon. Vous n'y pensez pas. Elle les aime trop. Pour que je recolle un bout de sa semelle, qui voulait jouer les filles du vent. Ah mais oui !

Une seule de mes paires de Santiags m'aurait fait le dixième des misères que ses bottes à elle lui font subir, je l'exterminerais. La paire. D'abord cela ne se peut pas. Pas les Santiags. Mais les siennes, alors, à peine les met-elle pour aller de sa piaule au campus, c'est à dire 39,70 m aller, et autant retour, sans saut d'obstacle ni rien, sans courir, sans shooter dans un ballon, rien vous dis-je, juste marcher à pas menus, elle me les ramène : Papa, tu peux me recoller ma semelle. Tantôt l'une, tantôt l'autre, rarement les deux à la fois, hop, un bout de la semelle se décolle. Oh rien, 10 cm, pas plus. Mais l'avarie suffirait à couler un navire. Pensez donc, la semelle, c'est bien au-dessous de la ligne de flottaison d'une botte. Des litres, qui peuvent embarquer par un décollement pareil.

Et surtout, n'allez pas vous marrer : je fais un travail sérieux ! Jamais, mais jamais, ses godasses ne se sont redécollées là où je les avais recollées. Croyez bien que je ne bricole pas l'attelage : colle superglu, serre-joints et tout, comme pour recoller un meuble. Du solide. Mais rien à faire : le coup d'après, c'est un autre morceau qui se fait la paire. Sur la paire. Et je crois bien qu'aujourd'hui, j'ai fait tout le tour des semelles, je viens de recoller le dernier tronçon que je n'avais pas encore rafistolé. L'avenir le dira en tous cas. Car elle ne semble pas découragée, elle les embarque pour un tour de plus. Qui sait, la semaine prochaine sera la première où je n'aurai pas à lui recoller ses bottes. La longanimité vient à bout de toutes les épreuves.

Ah si j'avais su ! J'aurais entièrement décollé la totalité des deux semelles, et je te les aurais recollées intégralement, de l'orteil au talon. Ou alors je les aurais amenées à mon ressemeleur de Santiags. Mais je vois d'ici sa tête hilare : « Dis, tu fais çà pour me déshonorer ou quoi ? Recoller çà ? Cà ne vaut pas le prix de la colle. Ou alors c'est par pitié, que tu m'amènes çà ? Pour me donner du boulot ? Tu vois, les bottes de ta fille... je les donne même pas à Emmaüs. Tu les fais fondre, et tu récupères le plastique. C'est le meilleur profit que tu puisses en faire ».

Oui, mais c'est ma fille... Vous comprenez... Je sais, elle est pas nette, avec ses bottarelles. Si encore elles étaient belles. Il faut être patient, un peu, dans la vie. Heureusement qu'elle s'achète des sous-vêtements qui tiennent. Je me vois mal, avec mes serre-joints.

Publié dans humour littérature

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O
Un peu de fraicheur texticulatrice ! bonsoir.Ne dit-on pas "être bien droit dans ses bottes" ? c'est être bien dans sa peau non ? alors la fifille a raison de les secourir ses bottes........ y a rien à comprendre si ce n'est le besoin de collemater de temps à autre. C'est ton boulot grand Z ! spécialiste tous travaux semble t-il !A extrêmement très bientôt.osiris
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Z
<br /> <br /> Bonsoir Ôdivinsiris, les bottes sont-elles de meilleure qualité à NYC ? La prochaine fois que tu y vas, je te demanderai d'en ramener une paire pour ma fifille...çà m'évitera de bricoler au<br /> serre-joints.<br /> <br /> <br /> <br />
C
Au fur et à mesure de ma lecture j'étais justement en train de me dire que le mieux c'était de tout arracher tout de suite, comme ça tu aurais gagné du temps ! lolLe pire c'est que ton histoires est valable pour énormément de paires de chausseures vendu à l'heure actuelle un peu partout. Celà en dit long sur la qualité merdique qu'on nous propose. Société de consommation...
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Z
<br /> <br /> C'est que je ne me doutais pas de la défectuosité systématique du produit. Ah, ces bonnes vieilles chaussures de cordonnier...<br /> <br /> <br /> <br />