Twilo
Des envoyés de la planète Twilo débarquèrent dans une plaine de l’Arizona. Pourquoi l’Arizona ? Parce que. On ne les avait pas vus venir car ils possédaient des technologies furtives qui leur permettaient d’arracher les burnes d’un cheval au galop sans qu’il s’en aperçoive. Des techniques dont les Terriens n’avaient même pas idée que leur existence existât, c’est vous dire. La communauté scientifique se congratula chaudement : Enfin ! Des nouvelles de l’Univers ! On allait en apprendre, des choses ! Les Twiliens se montrèrent très cordiaux, parfaitement amicaux, tout disposés à nous faire partager leurs compétences, à nous, les Terriens. Vous vous rendez compte ? Des étrangers – enfin, pas si étrangers que cela, d’ailleurs le mot étranger venait justement d’être proscrit du vocabulaire et retiré des dictionnaires comme signe de racisme et de xénophobie – des amis, donc, venus d’ailleurs mais c’est comme qui dirait des voisins, nous apportaient sur un plateau toutes les connaissances qui nous faisaient défaut si cruellement dans la quête du bonheur ineffable : comme naître après seulement huit jours de gestation dans un incubateur spécial, et se faire injecter en un an dans les neurones tous les théorèmes et règles de citoyenneté que doit maîtriser tout bon Twilien. Et bientôt tout Terrien.
Tout se passa donc pour le mieux dans le meilleur des mondes définitifs. Les premiers stades de la coopération annonçaient un avenir radieux. Au moins. Puis le chef des Twiliens, qui avait je crois le grade de colonel, convoqua le Président Etats-Uniens et lui dit : « Nous allons poursuivre notre fructueuse collaboration en vous aidant à procéder à la fermeture définitive de vos abattoirs ».
-Comment ? Mais vous n’y pensez pas ! Et comment allons-nous nourrir nos gens ?
-Cà, c’est votre problème cher ami, mais nous ne pouvons accepter que nos amis se nourrissent d’animaux, mon cher ami.
-Et… si nous refusons ?
Le Twilien laissa fuser un rire mince comme une feuille de papier bible :
-Vous disposez de huit jours terrestres pour cesser toute activité d’abattage. Passé ce délai, nous sublimerons une ville de plus de 10 millions d’habitants par jour de retard. Ce sont les ordres mon ami.
-Sublimer ? Mais qu’entendez-vous par là…
-Evaporer, faire disparaître mon ami. Ville et habitants. A la place, une nature vierge.
-Vous pouvez faire çà ?
De nouveau fusa le mince rire Twilien.
-Mais enfin pourquoi… ?
-Parce que nous n’admettons pas que des gens se nourrissent d’animaux. C’est cruel, et c’est un manque de respect à l’égard du vivant mon ami.
-Mais des milliards de gens vont mourir de faim ! Enfin vous n’y pensez pas sérieusement !
-Des gens, des animaux, quelle différence mon ami… c’est du vivant.
-Et… que devons-nous faire des animaux… les relâcher… ? Dans la nature… ?
-Exactement. Vous comprenez très vite mon ami Monsieur le Président.
Ainsi se poursuivit la conversation au terme de laquelle la vie même sur Terre allait être transformée.
Le Président informa dare-dare tous les autres Présidents du monde qui n’en crurent pas leurs pavillons et décidèrent d’organiser la résistance. Aussitôt le Président Etats-Uniens reçut communication de son ami Twilien que la ville de Chicago venait d’être sublimée, avec tout le comté de Cook. Nous entendons tout ce que vous dites, ajouta-t-il. En effet, à la place de Chicago régnaient désormais des marécages et des prairies, le lac Michigan avait repris son étendue normale.
77,48 % de la population mondiale disparut, soit par la faim, soit par sublimation. Plus un animal ne fut consommé sur Terre, la population restante devint végétalienne. Quelques anciens, n’y tenant plus, se laissaient aller à évoquer le souvenir de pavés de charolais. Mais ils disparaissaient très vite dans la « Maison des derniers jours » où nul ne sut jamais ce que devenaient les personnes âgées. Pourtant la Maison était gérée par des terriens. D’aucuns disaient que les corps servaient d’engrais aux cultures mais allez donc savoir, il serait très étonnant que la technologie twilienne eût besoin d’engrais humanoïdes.
Voilà. Je vous ai fait peur hein ? Mais non, c’est une blague tout çà. Vous pensez bien, jamais on ne se laissera dicter une loi twilienne à la con.