Actu

Publié le par zorba

 

Je n’ai pas pour habitude de me mêler des chicanes de l’actualité à chaud, sauf pour en plaisanter. Mon lecteur le sait bien. L’actualité est l’écume des jours. Elle ne prête guère à une analyse calme, pondérée ni même approfondie des grands sujets, ceux qui éclairent dans la durée, même si bien sûr certains professionnels le font très bien. C’est leur métier. Ils en connaissent les ficelles, et en général, d’accord ou pas d’accord avec eux, on gagne toujours à les lire, ils présentent des angles de vue intéressants.

Non, ce n’est pas mon truc. Mais certains événements, ou non-événements, sont révélateurs de la nature humaine et de sa condition. Et c’est ce qui m’intéresse. On a le débouché sur un observatoire plus large. Plus philosophique, pour employer les grands mots.

Yann Arthus-Bertrand, approché pour entrer au gouvernement, refuse ces charge et honneur. C’est un malin, Yann Arthus-Bertrand. Un futé. Il a vu le piège. Tout de suite. Et le piège n’est pas celui qu’on pense, celui de la maison politique.

Sa popularité est immense, à Yann Arthus-Bertrand. Planétaire, surtout après son film Home, que chacun a pu voir. Il ne va pas la jouer, sa popularité, dans une aventure où il apparaîtrait clairement qu’il n’a pas plus de solutions pour « sauver la planète » hormis celle de faire des images et bouleverser les âmes.

Deux mots sur son film, et puis nous passons à autre chose : je n’ai pas aimé. Ce n’est qu’un point de vue esthétique, il vaut ce qu’il vaut. Je n’ai pas aimé car les couleurs y sont surexcitées (cela donne à juger de la méthode et du projet), on dirait des images de synthèse. Trafiquées. On voit le bonhomme décidé à frapper un grand coup. Plus pour assurer sa gloire médiatique que pour témoigner de ce que l’on sait déjà. Témoignage d’accord, mais à charge pondéreuse. Je ne dirais pas qu’il triche, juste qu’il en fait un peu trop pour emporter notre assentiment. Et chez moi, cela a l’effet inverse. J’aime la bonne et juste mesure surtout quand ce n’est pas de l’art. Et là ce n’est pas de l’art, c’est une débauche de moyens visuels. En revanche, son commentaire est dénué d’originalité, c’est la litanie plaintive pour magazine pipole. Normal, la télé s’intéresse aux pipoles.

Bien. Je viens donc poser la question qui, j’en ai peur, restera sans réponse, ou du moins, il faut la chercher plus loin, au fond du psychisme humain et ce n’est pas le projet d’aujourd’hui : « Pourquoi ceux qui dénoncent se débinent-ils dès qu’on leur demande de résoudre ces mêmes problèmes dont ils se plaignent »? Parce qu’ils ruineraient leur fonds de commerce de dénonciateurs. Pas question de passer de l’autre côté. Tout sauf çà. Tout sauf s’y coller, et montrer qu’il existe une, des solutions qui marchent. Car des solutions qui ne marchent pas, on en connaît un paquet. Les solutions qui ne marchent pas, c’est même la vitrine favorite de ceux qui rouspètent sans arrêt. Elles présentent l’avantage de propulser le donneur de mauvaises solutions sur un pied d’égalité avec ceux qui « font ». Ou tentent de faire. Car dans notre monde, le « faire » a moins de valeur que le « dire ». Paradoxalement. C’est ainsi. La parole frappe davantage les esprits que l’action. C’est normal. Si quelqu’un « fait » quelque chose et que nul ne le sache, çà passe inaperçu. Mais si quelqu’un « dit » quelque chose et que tous en soient informés, alors quel tapage ! On voit çà tous les jours, je ne vais pas vous faire un croquis.

Donc, l’action a moins de valeur que la parole. Pourquoi voudriez-vous que Yann Arthus-Bertrand, ou qui que ce soit d’autre, échangeât un ministère de la parole dont il est un pape, pour un ministère du « faire » où pour le coup, on s’apercevrait qu’il n’a aucune solution, lui qui cause si bien, ministère dont il sortirait discrédité et nu pour beaucoup de ceux qui l’encensent.

On comprend bien que la lamentation, dans ce cas, et la virulence dans d’autres, soient infiniment plus payantes en termes de popularité que l’action gouvernementale. Oui mais, lui trouvera-t-on comme excuse, pourquoi irait-il dans une galère aux rames rognées ? Où  on ne lui donnerait pas les moyens de réussir ? A supposer qu’il puisse réussir avec des moyens ce qui, vu le problème du réchauffement, n’est pas gagné. Imparable. Là encore on peut discuter à perte de vue, à en perdre haleine… Toujours discuter. « Faire », c’est bon pour les porteurs d’eau. « Faire », c’est prendre des coups. J’en sais quelque chose. Il faut être solide du râble. Alors que discuter, pérorer, peut rapporter autant – en  vertu du théorème que le « dire » a plus de valeur et présente plus de facilités que le « faire » surtout si on s’est constitué un large auditoire -  mais dont le moindre avantage est de ne rien risquer. Risque zéro. Là pour le coup, le risque zéro existe. Et en prime, on se fait tellement plaisir… Accepter une charge ministérielle, c’est le pied. Mais la refuser, alors… ! Remédier à une situation en mettant les mains dans le cambouis ? Pouacre, c’est salissant, et c’est pénible, et surtout, on prête le flanc à l’inévitable masse des ricaneurs du Dimanche. Tenez, regardez donc le public des stades. Vous. Moi. Eux ne sont pas à la peine, au turbin, avec leur jambon-beurre et leur canette. Mais alors, qu’est-ce qu’ils refont le match ! Avec force bla-bla. On en est tous là, remarquez bien. Il aurait dû taper ici… Il aurait dû passer par là… Et plus vite, il a trop attendu… Quel con ! Hein, que c’est facile ! On peut même passer pour un grand spécialiste. Meilleur spécialiste que celui qui joue, tiens. Que celui qui « fait ». C’est pas vrai, çà ?

Ne faisons pas, discutons. Parlotons. Envoyons au casse-pipe celui qui veut faire. Ensuite, on aura de toute façon notre conscience pour nous car nous, nous eussions fait autrement et tellement mieux. Ah que c’est bon çà, d’être toujours celui qui a raison ! Quoi … ? Vous voulez que je m’y colle, au charbon ? Cà va pas, la tête ! A la rigueur, j’accepterais bien un ministère de la parlote. Cà, c’est dans mes cordes.

Publié dans humour littérature

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
@ Roussote et Zorba, oui, c'est aussi mon avis (pour ce qui est du politique), mais je trouvais qu'elle énonçait bien des vérités - au sujet de ces personnes qui nous expliquent ce que nous devons faire - et c'est pour cela que je l'avais gardé. 
Répondre
R
Claire  , comme Zorba , je ne partage pas la vision de fond  ( le politique ) de cette vidéo  ...par contre  , quelle lucidité ! Un vrai travail de journaliste pour une fois .
Répondre
Z
<br /> <br /> Bravo Claire, tu es une perle.<br /> <br /> <br /> <br />
L
Oui, je préfère l'art à la politique même si la politique est un art.
Répondre
Z
<br /> <br /> Moi itou. Surtout quand la politique devient l'art de l'art-naque. Heu...pardon.<br /> <br /> <br /> <br />
L
Je respecte le travail de Yann Arthus-Bertrand () même si HOME lui donne un côté de super héros. Il essaie à travers les images de faire prendre conscience au monde de l'état de la planète et de l'effet désastreux de la pollution. YAB ne va pas sauver la planète à lui tout seul et il le sait. Mais il est avant tout un artiste engagé car ce film est clairement politique (les élections européennes). (Comme celui d'Al Gore "une vérité qui dérange"). Et la politique, c'est un moyen d'action. Dans le débat, ils parlaient des solutions. Maintenant, les solutions coûtent chers et à mon avis, cela va encore creuser l'écart entre les riches et les pauvres... (mais ce n'est que mon avis) Et puis allez dire à un chinois de ne pas suivre l'exemple des occidentaux ou aux gros industriels d'arrêter de polluer...<br /> Sinon, les films de Jacques Perrin me touchent d'avantage, parce que j'échappe aux commentaires culpabilisants et aux statistiques. Ses films parlent d'eux-mêmes.
Répondre
Z
<br /> <br /> Jacques Perrin, sans aucune réserve. C'est intelligent, et sans arrière-pensée cousue de cordage marin. Jacques Perrin ne se fout pas du monde, il n'entrelarde pas ses images superbes et<br /> délicates de messages-pilons. YAB si, c'est un tartufe. De même que Hulot. Ils ont en commun de faire eux-mêmes ce qu'ils reprochent aux autres : polluer en grand. Mais ils<br /> séduisent... Ils me rapellent les curés.<br /> <br /> "Ses films (à Jacques Perrin) parlent d'eux-mêmes". Ceux de YAB nous matraquent. Oh que je n'aime pas çà...<br /> <br /> <br /> <br />
C
N'ayant jamais vu le film en question je ne peux rien en dire, si ce n'est que le personnage en lui-même ne m'est guère sympathique. Mais bon, on ne peut pas avoir des atomes crochus avec tout le monde non plus ! Plus sérieusement, tout cela me fait penser à cette vidéo que j'avais trouvée très intéressante, je me permets de la mettre en lien ici :http://capharnaumorganise.over-blog.com/article-23947818.htmlEn effet, la parole a toujours plus de poids que l'action, quelle tristesse.@ Roussote, j'ai appris dernièrement que nos fameuses ampoules à économie d'énergie étaient constituées de mercure et qu'elles émettaient des radiations basses fréquences et des radio fréquences (dixit Véronique Anger-de Fribert, journaliste scientifique, suite à ses enquètes), à la différence de nos vieilles ampoules.Il va falloir m'expliquer le côté bio de l'affaire, car j'ai malheureusement l'impression qu'il s'agit encore d'affaires, avec monnaie sonnante et trébuchante pour certains ! or qui dit mercure dit ne surtout pas casser par inadvertence les dites ampoules, ne pas les jeter dans une poubelle normale, et les radiations sous entendent des risques de cancer avec le temps...
Répondre
Z
<br /> Claire, je te baise les pieds pour cette vidéo, notamment son début. Je ne suis pas d'accord avec tout, bien sûr, en particulier la charge anti-capitaliste très NPA qui l'achève et qui constitue à<br /> mon avis la désignation d'un seul bouc émissaire, alors que nous sommes tous pollueurs plus ou moins et que si les capitaux polluent énormément, c'est grâce à notre demande de consommateurs avant<br /> tout.<br /> Mais je vais quand même tâcher de la faire circuler, chacun y prendra ce qu'il y trouve et pourra juger par lui-même.<br /> <br /> <br />