Facteur
Nous avons chez nous des facteurs folkloriques et c'est ce qui fait le charme du facteur français. Celui-ci n'en manque pas non plus - de folklore ou de charme – c'est comme il vous plaira : Frédéric Rabiller, facteur de son état, est de ceux-là : il porte aux radars une haine si irrédente qu'il les fait sauter. Mais ce qui s'appelle « sauter ». Boum ! Pas de demi-mesure. Les grands moyens. La proportionnalité de la riposte, connaît pas. C'est comme s'il voulait faire entrer votre courrier dans votre boîte à lettres à coups de masse. Que dis-je, avec un Caterpillar !
En 2008, préparant sa mixture instable, il se fait arracher les deux mains. Caramba, encore raté !
Vous, vous vous seriez calmé. Pas lui. Quitte à poursuivre votre action radaricide par d'autres moyens n'impliquant pas les mains... j'allais dire les menottes ! Quel âne je fais. Mais c'est vrai qu'avec ce qui lui reste de mains, il n'est pas prêt de faire dans la dentelle.
Donc, en 2009, - vous imaginez bien que ce genre de bonhomme était tenu à l'oeil par les services compétents comme le lait sur le feu – il se fait prendre à passer commande de 2 kg de nitrate de potassium. Avec son absence de mains. Peut-être compte-t-il travailler avec ses pieds. Mais avec les produits instables, les pieds c'est un peu juste. J'ai peur qu'il se retrouve cul-de-jatte sous peu. Finalement, le coller au ballon c'est le protéger de lui-même.
Vous allez voir qu'en taule, il va commander du fulminate en guise de dentifrice. M'est avis que ses codétenus vont lui régler son compte, s'il se met à expérimenter sous leur pif. Ils vont lui dire d'aller s'entraîner au pied du mur de la prison, et pas ailleurs. Sinon, t'artagueul. Je n'aimerais pas être son voisin ! Va faire péter tes cochonneries ailleurs. Surtout sans mains.
Il est des gens, comme çà, qui ne fonctionnent que sur idées fixes. Vous pouvez leur couper les mains, ou même les pattes, rien n'y fait, ils continueront avec leurs moignons, ils ont leur fixette et puis c'est tout. Y a pas à sortir de là. Irréformables, qu'ils sont. Même réduit à l'état d'homme-tronc, même quasi sans tête, notre homme n'abandonnera pas son idée-poteau : faire sauter les radars. Il partira par morceaux de lui-même, mais ne renoncera jamais. Tant qu'il restera de lui un bout vaillant.
Eh bien voyez-vous, c'est le genre de gars que vous ne devez pas contrarier. Car s'il vous prend en grippe, vous n'avez pas fini. Il vous poursuivra de sa vindicte jusqu'à l'autre bout de la planète. Jamais plus vous ne pourrez dormir tranquille. Demandez aux radars. Vous me direz, un radar ne dort jamais. Ou alors que d'un oeil. N'empêche, même ne dormant que d'un oeil, il vous fait sauter, notre facteur. Ah çà c'est sûr. Et pas sur ses genoux. D'ailleurs il n'en a plus, de genoux. Bientôt. Eh oui, les rotules, çà peut péter aussi. Une charge à la bonne hauteur... Et comme le reste n'est pas loin ! Maman, le trou ! On se demande comment il faudra faire pour l'habiller, Rabiller. Habiller un trou, vous vous rendez compte ? Tant qu'il lui restera même un oeil valide, il poursuivra les radars. Habiller un oeil... Avec calcif, chemisette, et tout... Pas facile. C'est l'oeil d'Abel regardant le Caïn Radar. Il ne le lâchera pas, jusque dans la tombe, le radar. Mort pour la libération de la dictature des radars, Rabiller. Une grande figure de la Résistance, Rabiller. On le retrouvera avec un morceau de radar coincé dans les gencives, Rabiller. Ah mais non, je suis con : des gencives il n'en a plus. C'est une histoire de fulmination.