Albatros.
Que penser de l'albatros...? C'est un oideau capable de parcourir la moitié du globe en un peu plus d'un mois sans se poser une seule fois, ni sur l'eau, ni sur terre, ni sur la branche, et sans se fatiguer, juste en utilisant les courants d'air. La moitié d'une planète d'un seul coup d'aile, est-ce que vous vous rendez bien compte ? Est-ce que vous réalisez la nature et l'ampleur de l'exploit que cela représente, pour nous, plaqués à la glaise ?
Eh bien des exploits de ce genre, la vie en produit des tas. L'évolution devrait-on dire, plutôt, mais c'est la même chose, qui dit vie dit évolution. Et le léopard, avec ses pointes de vitesse à 80 km/h ? S'il laisse dépasser une oreille, il décolle. Si ce n'est pas un bolide ! Et la puce, qui saute 40 fois sa propre hauteur ? L'évolution fait des tas de choses inouïes. Je ne vous apprends rien ? Cà je le sais, que je ne vous apprends rien. Mais moi, je m'étonne. Je suis si naïf, il faut dire, qu'un rien m'abasourdit. Me laisse sur le fessier. Mais rendez-vous compte : quelques plumes, et hop, sans effort apparent, le tour du monde. Bon, il faut bien ravitailler, assurer la maintenance, mais quelques rations de poiscaille, et c'est reparti, en sens inverse. Nos ULM, à côté... Je sais, on y arrivera, un jour, à faire le tour du monde sans se poser. Mais sans ravitailler...? Car le pilote, lui, il doit bouffer, boire...
La nature recèle de ces records époustouflants sous chaque pierre.
Et nous, dans tout çà ? Nous, pareil. Nous sommes un miracle de la nature, de l'évolution. Mais pas plus recordmen que les autres espèces. Nous sommes intelligents, c'est tout. Et ce n'est guère plus extraordinaire que de faire la moitié de la planète d'un seul coup d'aile, sans se poser, les mains dans les poches. Quelques plumes ont suffi pour atteindre ce résultat. Quelques plumes, issues de quelques écailles, sans doute, et çà n'enlève rien au record. C'est pareil pour nous autres. Non, pas les plumes, tout au plus quelques poils. Seulement notre intelligence, c'est encore un record de la nature, de l'évolution.
Et il a suffi de quoi ? Pour faire de nous les recordmen de l'intelligence ? Il a suffi des sentiments. A force de développer notre capacité animale d'émotion, de sensibilité, nous avons produit une intelligence. Ce n'est que çà. Oui mais c'est tout çà. L'émotion, la sensibilité, c'est juste la faculté de produire des contacts et des circuits de neurones. Les animaux le font aussi. Avec quelques plumes, l'albatros a développé la faculté de se taper le tour de la planète d'un simple coup d'aile – ce n'est pas donné à tout le monde n'est-ce pas ? - hé bien de la même façon, à partir de quelques émotions, nous avons développé une vraie capacité d'intelligence – ce qui n'est pas donné à tout le monde non plus. L'intelligence, c'est juste une hypertrophie de l'émotion. Nous sommes les albatros de l'intelligence. Aujourd'hui, nos chercheurs cherchent, et veulent savoir comment fonctionne notre cerveau. C'est un peu comme chercher comment réagit l'albatros au moindre coup de vent, selon quelle incidence, dans quelle direction... sauf que l'intelligence, c'est moins matériel. Comme l'émotion, d'ailleurs. Ce n'est pas matériel, l'émotion. (Enfin, c'est le résultat non matériel d'un processus matériel). Mais c'est pareil. Nous sommes hyper-adaptés à traiter des émotions. Voilà comment nous sommes devenus intelligents. C'est pas beau, çà?
Evidemment, çà ne suffit pas, l'émotion brute, pour faire une intelligence. Mais l'émotion, c'est aussi la mémoire. Parfaitement. La mémoire fonctionne comme un système d'émotions (et non pas comme un stockage, çà me fait rire çà, le stockage, stockage dans quoi, dans un container...?). Et la mémoire, çà permet l'éducation, la culture. Et il suffit d'être correctement éduqué aux chiffres pour faire des maths. Les maths, c'est l'exercice de la sensibilité appliquée à l'abstraction. Voilà. C'est simple, l'intelligence, finalement. Mais c'est un record de sensibilité. Tout marche à l'émotion, absolument tout. Il n'y a que çà. Nous sommes un peu plus gâtés que l'albatros, peut-être, faut voir, seulement le principe évolutif est de même nature, toujours à l'oeuvre.
Alors, çà valait pas le coup ? De penser à l'albatros ?