Internet
Internet est un robot. C'est en tous cas ce que se tue à m'expliquer mon pote Michel le faux-rêveur. Vous pensez si j'ai du mal à intégrer qu'un robot puisse faire des trucs pareils : comme me traduire une centaine de pages en Anglais d'un seul clic. Vous, cela vous paraît normal, moi çà continue à me lézarder le cogito, je sors à peine de l'âge de pierre. D'un autre côté, Christine m'assure que Monsieur Asimov a décidé que le robot devait être la perfection faite homme. Enfin je veux dire "machine". Parce que la perfection de l'homme, vous m'avez compris : je commence quand même à me connaître un peu ! Et pourtant, Michel et Christine ont raison, à leur façon optimiste.
Alors si internet est le robot si parfait que l'on dit, qu'en est-il des virus et autres cochonneries libidineuses contre lesquels il faut en permanence se protéger. Ce n'est pas le principe "robot" que je vilipende, mais l'humain qui est derrière. Tout un chacun semble fonder de grands espoirs sur la robotique, la connectique, l'informatique, la cognitique, l'intellectique et toutes les tiques et les puces que l'on voudra.
Moi, je ne sais même pas où ce genre de bidulitique peut nous mener. Ce qui n'est pas une raison pour mourir de peur bien entendu : il a bien fallu découvrir l'améritique ! Je ne fais que soulever une ou deux questions, n'ayant aucune qualité pour asséner une réponse. (D'ailleurs tout le monde a des réponses et des solutions pour le monde. C'est chié, çà). Mais d'imaginer ce monde futur où il soit à la portée du premier malfaisant un peu branché de bloquer tous les ascenseurs et de les envoyer en orbitique ! Ou d'en faire au contraire des foreuses tunelières ! Parce que du monde malintentionné, il en existe, et des meilleurs ! Tenez moi-même, j'ai mes bons et mes mauvais jours. Plutôt bons dans l'ensemble, n'allez pas prendre peur, parce que j'ai banni de ma vie toute contrariété. C'est plus simple, et assez radical (voir mes analyses d'urine). Mais imaginez un peu : "Tiens, hier mon chef n'a pas arrêté de me faire déféquer toute la journée. Je prends le contrôle du sous-marin lance-merde (le fameux SMLM) et je te balance la purée sur l'Europe. Rayée de la carte, l'Europe". Voilà, j'ai bien géré ma contrariété. Quoi, c'est pas possible ! J'ai vu de mes yeux vu le site de Philoforum pulvérisé en trois secondes. Et on en est aux balbutiements ! Alors d'accord, je vous attends : la sécuritique. Vous voulez tout sécuriser contre les centaines de millions d'insatisfaits de la planète ? Et vous respirez quoi. Vous mangez quoi. Vous allez en vacances où. Vous marchez sur quoi... Vous êtes surveillé sous toutes les coutures. Marqué à la culotte. C'est bien simple, je n'arrive pas à imaginer une seule des conséquences et retombées possibles d'un pareil système de sécurités millimétrées. De libertés pesées au trébuchet. D'autorisations parcimoniques. Et pourtant, des conséquences et retombées, il y en aura, fatalement. Bel optimisme Michel, toi qui t'éclates dans le métier. Bonne chance Christine, si on ne se revoit que dans l'autre monde. Ah mais vous croyez que Zorba est un perdreau de l'année ? J'ai l'oeil fauconique moi. Tenez, rien que dans les manifs d'étudiants (çà c'est déjà le monde de demain) que vous observez en ce moment : la plupart nourrissent de justes inquiétudes pour leur avenir. Moi aussi. Pas le mien non. Le leur. Mais parmi eux, bien planqués, ou à peine, dans la cohue, combien ne nourrissent qu'une seule ambition : détruire le monde ! Parce qu'ils croient n'avoir rien à perdre. Si jeunesses savaient...
J'ai le sentiment - et aucun argument valide qui l'étaie, juste une intuition venue du fond des âges - qu'en observant l'histoire d'une manière globale, comme le font les anglo-saxons qui ont toujours une longueur d'avance sur nos clochers, que, de même que les dinosaures ont gagné en taille et puissance pour manger et ne pas être mangés ce qui a causé leur perte, que la révolution industrielle commencée il y a deux siècles a soumis la nature à nos désirs et que la planète en est malade à crever, nous connaissons aujourd'hui une mondialisation inédite, globalisée : la révolution des consciences. Absolument ! Cela va finir comment ? Compte tenu du fait que c'est la conscience qui dirige l'humain ? Que déjà la plupart se disent citoyens du monde ? Sans commencer par être de quelque part ! Très mal, cà va finir.
Mais non, objecteront les optimistes incurables du dépassement par la gauche (ou par la droite selon les codes de la route), les inconditionnels de la supériorité intellectique, ignorants des soubassements de la compulsitique : Il n'a rien compris le Zorba, l'homme surpasse tout ce qu'il y a d'insurpassable, démonte l'indémontable, cogite l'incogitable, la preuve, Kant, Nietzsche, spinoza et vlan, le plein tombereau des plus malins que les autres...
Moi je vous dis, calmement : çà s'est toujours mal terminé. Et encore, la Terre nous dominait ! Circonscrivait nos conneries. Mais à présent, que nous sommes livrés à nous-mêmes. No limit. Ce n'est pas du progrès dont je doute, mais de ce qu'on en fait. L'effet globalisant. C'est irrémédiable. C'est une loi de l'évolutique.
Quant à savoir ce qu'il faudrait faire, non seulement je n'en sais rien, mais c'est infaisable. Intuition. Nez creux. Escornuflage. La révolution des consciences, l'homme abouti, çà ne me dit rien qui vaille : à révolution des consciences, contagion anarchique des rages. Rien de moins. C'est obligé. Vous pouvez déjà faire comme si. Faire quoi ? Rien surtout ! Cela ne ferait qu'accélérer le mouvement, la surchauffe. Le crash à trois mille à l'heure. Surtout ne rien faire qui alimente la fureur des consciences en gestation, le chaudron des rancoeurs. Au contraire. Refroidir. Se calmer. Se mettre une poche à glaçons. Non pas entrer en décroissance, en récession, en stagflation, ce serait sauter du train à pleine vitesse. Juste calmer les crises de conscience. Cà va, on le sait, que nous sommes des beautiful people. Que nos consciences sont au bord du collapsus altruiste. Eh bien c'est çà justement, qu'il faut éviter d'accélérer : l'hystérie des consciences. Cà nous laissera un répit supplémentaire. Et qui sait... Dans le calme du train-train adaptatique...
Allez Michel, Christine, j'offre ma tournée... Avec plein de glaçons.