Droit
Vous connaissez l’Homme, vous ? L’Homme avec un grand Hache ? Moi pas. Je ne l’ai jamais rencontré. Je connais des hommes, je connais même des femmes, mais pas d’Homme avec un grand Hache. Si… je connais des bûcherons, avec une grande hache. D’ailleurs, ils ont des tronçonneuses. Le concept « cheval », je connais. Même si chaque cheval a sa personnalité, ils se ressemblent à peu près tous. Je veux dire, de caractère : ils broutent, et galopent. Les hommes non. Même lorsqu’ils parlent la même langue, ils sont différents, ne font pas la même chose, n’aiment pas les même mets. D’ailleurs ils votent différemment. Et même si l’on restreint l’échantillon à ceux qui votent pareil, ce n’est jamais pour les mêmes raisons : les uns votent utile, les autres votent par conviction, les autres par rancœur, et même lorsqu’ils partagent les même rancœurs et convictions, ils finissent par s’engueuler entre eux. C’est pas une preuve, çà ? Que l’Homme avec un grand Hache n’existe pas ?
D’ailleurs les « Droits de l’Homme » avec un grand Hache, c’est quoi, au juste ? L’Homme a tous les droits, çà on le sait. Parce que c’est Lui qui en décide. Et il a, d’abord, le droit fondamental de se plaindre. Et de se plaindre de qui, s’il vous plaît ? De l’Homme. C'est-à-dire de lui-même. De son semblable, de son autrui. Même pas avec un grand Hache. D’ailleurs si on laissait faire l’Homme, il se plaindrait de l’Homme avec un grand Hache avec une grande hache. Et le hacherait menu. Pour lui apprendre à pas faire déféquer sans blague ! Il en ferait des fagots pour un oui pour un non.
L’enfer c’est l’autre, qu’il disait. (Bon admettons, puisque c’est la mode. Pfff…n’importe quoi. Je crois, moi, que l’enfer est dans notre tête, à chacun). Donc, les droits de l’Homme avec un grand Hache c’est l’enfer, puisque c’est aussi le droit d’autrui. Qui ne voit pas les choses comme moi. Mais pas du tout. Battre sa femme est un droit de l’Homme avec un grand Hache. S’il le dit… Avec une grande hache, même, certains ont la main lourde. L’Autre a forcément ses raisons, de penser que battre sa femme est un droit de l’Homme. Moi je ne crois pas. Mais je peux me tromper. D’ailleurs je n’ai qu’à juste essayer tiens. De battre ma femme. Mais c’est qu’elle le prendrait mal dites donc. Alors droit, ou pas droit ? D’après l’Autre oui. D’après moi non. Mais bon, d’après moi, ce n’est même pas une question de droit. C’est juste qu’on ne peut pas faire çà. Mieux vaut aller se pendre. Voyez comme c’est vicieux, le droit.
Donc, l’Homme se plaint de l’Homme. C’est son droit de l’Homme. Tout çà avec un grand Hache. Mais il faut reconnaître qu’il a parfois ses raisons. Et même toujours. Plus ou moins. Donc, se plaindre de son semblable, avec qui on est pourtant tenu de collaborer car on ne peut être industrieux tout seul, semble être l’activité constante de l’Homme avec un grand Hache. On peut même dire que c’est dans sa nature. Dans ses gènes, à l’Homme avec un grand Hache. Si l’enfer c’est l’autre, c'est-à-dire de toute façon soi-même, à quoi rime d’attribuer des droits à l’enfer ? C’est inepte.
Prenez un Fofana, qui est très à la mode, lui aussi. Non ? Vous ne voulez pas Fofana ? Bon alors, n’importe quel assassin par vice : c’est une crevure. Présumée innocente, mais alors crevure innocente. Car la crevure n’est pas née crevure. Lorsqu’il est né, la crevure, il n’était rien du tout. Plutôt ange que crevure d’ailleurs. Un adorable bébé téteur. Et puis, il devient en grandissant une crevure. La faute à qui ? A la société bien sûr. Tous les sociologues vous le diront. Donc, la société est une crevure. Pourtant, je connais des hommes, sans grand Hache, très respectables. Des femmes aussi d’ailleurs. Donc, l’homme avec un petit hache est respectable, mais l’Homme avec un grand Hache est une crevure. Pris isolément, comme individu, l’homme est attachant. Pris comme masse, c’est une crevure. Etonnant, non ? Donc le droit de l’homme-individu se justifie. Mais le droit de l’Homme avec un grand Hache est le droit de la crevure. C’est le droit de l’enfer. Cà équivaut ni plus ni moins qu’à accorder un droit à l’Homme à la grande hache.
Mais comment créer alors un droit de l’homme-individu sans donner du même coup le même droit à l’Homme à la grande hache… C’est bizarre, comme question. D’ailleurs c’est impossible. Donc inepte. Ou alors, il faudrait que seul un particulier pût faire valoir son droit, et non pas une masse de particuliers, une association. C'est-à-dire une émanation de l’Homme à la grande hache. C’est faisable, çà ? J’en sais rien bien sûr. En tous cas, ce serait mieux. Puisque seuls les mobiles personnels seraient pris en compte et non pas des embrouilles de société qui fabrique des crevures.
L’Homme avec un grand Hache a conquis le monde à la hache. Pouvait-il en être autrement ? Assurément non. Soyons-lui reconnaissant de s’être tapé le sale boulot. Aujourd’hui, l’Homme a troqué la hache pour l’ordinateur. Mais il reste au fond l’Homme à la hache.
Bon écoutez, on va faire une chose. Tandis que vous réfléchissez à une solution, moi je retourne à ce que je fais le mieux : des grosses tomates énormes. Cà ne pousse pas à la hache.