Philosophie.

Publié le par zorba




Au lieu de dire "le soleil se couche", il faut dire "la rotation terrestre amène l'observateur au point où le rayonnement solaire est interrompu par la rotondité de la planète". Et encore, je suis sûr qu'il y a mieux.  Tout de suite, on change de registre. Pour dire la même chose, on atteint là le concept pur. On s'élève à la hauteur de théorème. Et tant qu'on y est, je me demande pourquoi on dit "on s'élève" en parlant de l'esprit quand on pourrait à meilleur escient en dire "on descend", tant il est vrai que l'on descend dans l'infiniment petit, source et origine de toute chose. Comme quoi les habitudes, les tics de langage, les lieux communs... qui nous font dire souvent le contraire de ce qui est... Et encore... pourquoi "le contraire"...? De fait, çà n'a pas de direction, un théorème. Ni on s'élève, ni on descend, on avance...Oui mais s'il n'y a pas de "direction", comment sait-on que l'on avance ! Ooooh, çà y est, je sens que je suis dans la prise de tête philosophique intégrale. C'est vrai çà, pourquoi est-ce que je me prends le chou pour la moindre couillonnade ? Même si elle est vraie. Toujours est-il qu'au lieu de dire "le soleil se couche" on serait plus avisé de dire "la rotation de la terre amène etc..."
Oui mais si le coucher de soleil est beau ? Genre : le soir tombant sur la prairie était si beau que le cow-boy en pleura dans son chapeau...? (Mince, çà doit être beau dis donc ! Je ne visualise pas bien ce que peut voir le cow-boy, mais çà doit être fichtrement beau !). On ne peut pas en dire autant avec "la rotation terrestre amène l'observateur etc...". Pas de quoi chialer d'émotion. Sans compter que dans la conversation courante, il faut déjà le placer. Le coup de la rotation terrestre. Tandis que le coup du cow-boy... C'est peut-être vrai, la rotation, et même sûrement, depuis Galilée, l'univers a dû se réorganiser autrement, mais on ne parle pas ainsi à ses amis. On ne s'envoie pas des théorèmes à la figure. N'empêche, le soleil se couche, même entre amis, c'est une belle connerie, une métaphore d'écervelé. Dans la conversation courante, on ne communique que par allégories échevelées. Et pourtant, on se comprend comme si c'était naturel de dire des absurdités. On ne dit jamais les choses telles qu'elle sont, par théorèmes, on préfère user d'analogies approximatives.  Eh bien, c'est naturel ! Parfaitement. Le langage est une fausse monnaie. Une fausse monnaie communément admise. Dont personne ne s'offusque. Dites une phrase, n'importe laquelle, elle est si approximative que l'interlocuteur qui a décidé de vous ulcérer la prostate peut toujours trouver moyen de vous chipoter. Toujours. C'est normal, puisque vous lui donnez de la fausse monnaie. C'est juste un marché de dupes où chacun devrait savoir qu'il fourgue du fallacieux, du bobard. Et cependant on y croit. On croit réellement que c'est du sérieux le soleil se couche, du garanti sans contre-façon.
Et si vous prenez la fausse monnaie que vous fabriquez vous-même pour de la vraie, çà devient grave. Que vous veuillez la recoller à quelqu'un d'autre passe encore, puisqu'il en fait autant, mais parvenir à se persuader que sa propre fausse monnaie est vraie, de bon aloi, c'est assez prodigieux vous en conviendrez. Ou alors, il vous reste la solution de ne parler que par concepts purs, absolument inutilisables dans la conversation courante - vous rendant au passage assez antipathique style la rotation terrestre... qu'est-ce qu'il se croit çui-là... et voir votre interlocuteur tourner les talons pour aller se servir un café au distributeur. C'est bien la preuve cqfd que toute vérité n'est pas bonne à dire. Alors entre parler en fausse monnaie et amener des concepts inutilisables qui ne vous font pas que des amis, autant fermer sa gueule.
Or comme on ne peut pas tout le temps se taire, vu que la nature nous a dotés d'un  organe phonatoire qui use justement comme médium de la cavité buccale pour articuler, il faut bien dire quelque chose. Le mieux, c'est alors de parler pour ne rien dire. Ni fausse monnaie, ni provoc. Seulement comme parler pour ne rien dire n'avance à rien, autant se servir de son gosier pour boire un coup.
C'est ainsi que si vous rencontrez  un ivrogne qui tient sa gueule obstinément fermée, celui-là respectez-le : c'est qu'il aurait des tas de choses à dire mais qu'il a opté pour la sobriété . CQFD.

Publié dans humour littérature

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
j'ai la guitare qui me démange alors je gratte un petit peuj'ai les texticules qui me démangent alors je gratte le papier un petit peulongue vie à ton blog Zorba
Répondre
Z
<br /> <br /> Merci Berhed, et longue vie à toi...<br /> <br /> <br /> <br />
B
  j'adoremais où va-t'il chercher tout ça?je connaissais j'ai la guitare qui me démange mais pas les texticules me démangent  waouhhh ces articles quel humour !!!*je reviendrais merci zorba ,  vraiment merciamicalementBerhed
Répondre
B
"Le langage est de la fausse monnaie". J'aime beaucoup ! Ca mérite discussion !
Répondre
Z
<br /> <br /> En effet Bergame, en effet ! On pourra en reparler... J'étais sûr que çà te plairait !<br /> <br /> <br /> <br />
O
CQFD tout à fait d'accord !
Répondre
Z
<br /> Aaaaah...!  Enfin quelqu'un qui me trouve logique !  <br /> D'où es-tu mon grand ? (Ou ma grande, on ne sait jamais, je me suis déjà fait avoir !)<br /> <br /> <br />
C
Ben  , si tout est dit , on fait quoi  , après ? Comme les merles ?
Répondre
Z
<br /> <br /> Hé hé, les merles justement ne parlent pas pour ne rien dire. D'ailleurs ils ne sont pas les derniers à se pinter lorsqu'ils tombent sur des grappes de raisin mûr... Alors là ils changent de<br /> musique : Tirlotu chapopointu kikafoutu la pataglu...<br /> <br /> <br /> <br />