Escroc.

Publié le par zorba



Prenez le cas d'un escroc : s'il avait l'air d'un escroc, il n'escroquerait jamais personne. Ou même s'il prévenait : « Attention, je suis un escroc », même résultat, il serait un piètre escroc. Au contraire, l'escroc se présente comme vous et moi, propre sur lui, et d'une rectitude morale en béton précontraint. D'ailleurs l'escroc lui-même pense en son for intérieur, se persuade, qu'il est honnête. Alors comment reconnaître un escroc si lui-même pense qu'il n'est pas un escroc, que rien ne le trahit, pas même son inconscient ! Même au détecteur de mensonge, il pourrait passer... Et après tout, s'il est un escroc, c'est bien la faute à la société. Comme çà, c'est réglé.
Un plombier honnête (je le sais, le mien l'est) vous dirait tout simplement : je travaille pour le bien commun, mais d'abord pour mon intérêt personnel et celui de ma petite famille. D'ailleurs il ne se pose même pas la question tellement çà lui paraît tomber sous le sens. Il travaille, un point c'est tout. Et son intérêt, s'il veut continuer à avoir du boulot, à conserver sa clientèle, c'est que le client soit satisfait. Mais tout cela, toujours dans son propre intérêt. Lequel se confond avec le travail bien fait. Cà tombe bien.
Que dit un politicien ? Un politicien dit : « Je fais de la politique pour être au service de mes semblables ». 100% des politiciens disent cela. Vous voulez parier ? Faire un sondage ? Le politicien est pur altruisme, un pur idéologue. Etonnant, non ? Il vous en jurera ses grands dieux !  Il ne vous répondra jamais autre chose que ce discours convenu qui tourne toujours autour du même marronnier. Et plus le politicien est haut placé, populaire, popularité qu'il ne doit qu'à sa seule habileté convenons-en, plus il prétend et se persuade qu'il travaille au bien commun. C'est bien naturel. Parce que s'il répondait par exemple : « Je fais de la politique pour faire avancer ma carrière, pour accumuler retraites et émoluments », il serait aussitôt grillé. Râpé. Repéré. Vous ne voteriez jamais pour lui, sale opportuniste. Carriériste.
Rien n'empêche évidemment, et tant qu'à faire, de se passionner pour la chose publique. D'ailleurs il vaut mieux. Mais cette inversion caricaturale des motivations devrait tout de même nous mettre en alerte rouge. Orange, au moins. On pourrait douter par exemple que le politicien pour qui l'on vote - signe évident de confiance -  soit ce qu'il a l'air d'être : abnégation et altruisme. De son côté, et sans commune mesure, l'escroc non plus ne doit pas avoir l'air d'être ce qu'il est.
Attention, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : le politicien n'est pas nécessairement un escroc. Mais son altruisme ne va pas sans un brin d'opportunisme. L'un  ou l'autre ? L'un et l'autre ? Nous sommes dans l'indécidable. Voilà la vérité. Indécidable. Comme dans un théorème de Gödel pour lequel toutes les données seraient suspectes. Donc, cette ambiguïté est exploitable à volonté, elle donne magnifiquement matière à tromperie. Que c'en est même un régal !
Cela dit, faut pas pousser non plus : je doute qu'un politicien parvenu à la plus haute destinée, Président par exemple, prenne ses fonctions dans l'intention délibérée de ruiner le pays, de nuire à ses semblables. En général, il tient seulement à rester populaire. En vue de sa réélection possible. Voyez, comme il y pense ! Opportuniste va ! Que fera-t-il : ce qui convient à l'intérêt du pays ? Ou ce qui convient à sa réélection ? Et les deux ne coïncident pas nécessairement. Et tout le monde n'est pas de Gaulle, l'incorruptible. Mais nous sommes toujours dans l'indécidable. Ah ce n'est pas facile, de se faire une opinion, avec les politiciens ! Vous y arrivez, vous, à vous faire une opinion ? Alors vous êtes plus futés que moi ! En tous cas on peut difficilement décider où commence l'escroquerie, et où elle finit. C'est çà, la politique. Bon sang quel métier !
Ou alors, on peut décider qu'il n'y a pas d'escroquerie en politique, vu que l'escroquerie est partie intégrante et assumée du métier. Qui dit politicien dit escroc mais comme on le sait, il n'y a pas d'escroquerie !
En effet, sachant que vous êtes en train de vous faire arnaquer par un escroc, est-il encore un escroc ? De même qu'étaler ostensiblement sa richesse constitue une circonstance atténuante pour qui vous vole !  Serions-nous tous des pigeons en train de sciemment nous faire pigeonner par des pigeonneurs professionnels parce que nous le voulons, sortes de victimes consentantes et redemandantes  ?
En d'autres termes, le principe du vote ne consiste-t-il pas à accorder sa confiance à quelqu'un dont on sait pertinemment qu'il va nous abuser ? Et comme nous sommes tous plus ou moins natifs de la même eau, c'est à dire intellectuellement un peu entourloupeurs sur les bords, le principe du vote ne consiste-t-il pas aussi à déléguer un simulacre de confiance (à quelqu'un dont on n'attend pas grand chose) juste pour dégager notre responsabilité et pouvoir lui imputer nos insuffisances ! En somme pour pouvoir dire : moi j'ai fait mon boulot d'électeur, après si çà déconne, je n'y suis pour rien, je pourrai toujours rouspéter. La démocratie est vraiment la plus belle chose, mais alors, quelle carabistouille !

Publié dans humour littérature

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J
J'adore votre style de narrer les histoires...
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Z
<br /> Et moi je m'amuse beaucoup Jacques... Merci.<br /> <br /> <br />
C
En fait, nous sommes tous plus ou moins des escrocs pour notre voisin, tout comme nous sommes tous celui ou celle qui fait souffrir une autre personne, volontairement ou involontairement. On en revient toujours au fait que nous sommes humains, avec nos imperfections, et que prétendre sauver le monde, ou le pays, me fait toujours doucement rigoler. On peut tendre vers cet objectif, ou tout autre tout aussi louable, mais avec un mais, un bémol, un détail infime qui fait que nous sommes des humains et donc nous allons nous comporter en tant que tel, pas faire des miracles, juste faire avancer certaines choses dans le meilleur des cas.
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Z
<br /> Que veux-tu Claire, de temps en temps, je me fais une piqûre de rappel ! C'est pour garder la tête froide.<br /> <br /> <br />
C
C'est amusant hier j'ai entendu, au sujet d'une association de village : "Moi je participe, je fais mon boulot, mais je ne prends pas de responsabilités, ça non !  pas envie de me faire taper sur les doigts." En gros, il faut avoir une méga dose de blindage personnel pour entrer dans ce genre de fonction, de carrière professionnelle. Une soif, une faim, bref un appétit en dehors de la moyenne, des ogres du pouvoir, et pas du juste pour voir car quand on y est, on y est. yarf yarf yarf.
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