Expérience.
L'un de mes amis était entrepreneur de Travaux Publics : chargeuses, niveleuses, bouteurs, compacteurs, bulldozers et compagnie. Un jour, me croisant dans la rue, il s'arrête et baisse sa vitre. « Je vais voir un chantier, tu viens avec moi ? » Il m'aurait dit tu viens boire un coup je n'aurais pas eu le temps. Mais lorsqu'on prononce le mot « chantier », je suis comme les mioches lorsqu'ils entendent le mot « tracteur ». En voiture Simone, on y va.
Nous arrivons à une sorte de petite fermette en cours de rénovation. Mon copain coupe le contact de sa Pallas (çà date hein !) et récupère son jeu de clés. On tourne...on vire...et je remarque qu'il est absorbé par son jeu de clés, qu'il laisse jouer, au bout de ses doigts, et qui bien entendu, oscillent. Mais qu'est-ce que tu branles ! - Je cherche les canalisations enterrées. Pour ne pas les bousiller, avec les engins. - Tu sais que tu as un bon humour toi, garçon ! Tu cherches des canalisations avec des clés de bagnole ! Et avec le démonte-pneus, tu fais quoi ? Tu trouves des girolles ? -
Si si ! Sans déconner ! m'affirme mon pote. Je peux même trouver de l'eau. Avec la baguette de noisetier, c'est plus sensible, mais pour trouver des canalisations à faible profondeur, les clés suffisent. Et puis il m'ajoute : Toi aussi, tu es capable de trouver de l'eau. - Ah çà ben çà, non! Je te garantis bien que non ! Et il se taille, tranquille, une petite branche en forme de Y, dont il saisit les deux extrémités supérieures dans chaque main, et va se balader dans le champ qui flanque la maison. Tout à coup, la tige de bois se dresse violemment vers son visage, comme si une force irrésistible la tirait vers le haut. De toute évidence il résiste à cette torsion, je vois bien ses mains se crisper sur les deux branches pour rabattre cette diablesse de tige qui veut s'envoler. L'eau est à trois mètres, qu'il me dit. Tiens, essaie. Je saisis les deux branches du Y, je marche à l'endroit même où il est passé... Rien. Que tchi. Pipette et chouingomme. La branche morte reste inerte entre mes pognes. Mon pote se dirige alors vers un tas de matériaux entreposés là, se choisit deux fers à béton d'environ 80 cm, les plie à l'équerre sur son genou et me les tend. « Tu tiens chaque tige, sans la serrer, les pointes dirigées vers l'avant, et lorsque tu passeras sur un filon d'eau, tes deux pointes vont s'attirer ». Je repasse au même endroit, là où il a détecté une présence d'eau subreptice, et les deux tiges se mettent à pivoter l'une vers l'autre, s'attirent l'une l'autre, se croisent en effet sans aucun doute possible. Merde alors. Qu'est-ce que c'est que ce truc ! Attends, je refais... les deux tiges s'attirent à nouveau...
Le surlendemain, mon copain se tirait un coup de fusil dans la bouche.
A quelque temps de là, cet épisode me revient en mémoire. Je saisis deux tiges métalliques, les plie à l'équerre ainsi que je l'avais vu faire. Il faut dire que chez moi se trouve un lac, au fond d'une combe. Il est alimenté par une source, laquelle s'alimente à son tour nécessairement de venues d'eau souterraines. Je me place à mi-pente, entre le sommet de la colline et la source, et commence à arpenter de manière à croiser l'éventuel filon d'eau qui viendrait nourrir la source.
Tout de suite, premier arrêt : les fers ont pivoté l'un vers l'autre et se sont croisés. C'est à dire que, plus exactement, comme je leur laisse libre jeu entre mes mains, j'ai plutôt la sensation qu'ils sont « tombés » l'un vers l'autre. Diable diable ! A tout hasard, je poursuis. Nouvelle manifestation des tiges de fer. Attends, je m'organise. Je monte un protocole d'expérimentation : je me munis de petits piquets colorés que j'enfile dans ma ceinture, et je recommence tout, un peu plus haut sur la pente, et chaque fois que les fers se croisent, je plante un piquet-témoin.. Puis je renouvelle l'opération, en sens inverse, mais à environ dix mètres en contrebas. Et quand les fers se croisent, je replante. Puis encore dix mètres plus loin. Et je re-replante.
Mon exploration terminée, j'observe le résultat : mes petits piquets se trouvent sensiblement alignés sur trois axes qui convergent vers la source.
Ah ben çà alors... Vous en dites quoi vous...?
Moi ? Ce que j'en dis ? Mais rien du tout... Je n'ai pas creusé pour vérifier qu'il y avait effectivement de l'eau qui coulait là-dessous. Pas envie de massacrer le pré. Pas le temps non plus n'est-ce pas, et puis, ce n'est pas vital pour moi...
Mais enfin, si vous en tirez quelque conclusion que ce soit, ne manquez pas de me la communiquer. Une chose est sûre, à l'aide d'une baguette de sourcier, je ne trouverais pas Garonne elle-même. Et je n'ai nulle intention de me mettre un coup de fusil.