Angelo Rinaldi

Publié le par zorba




 Angelo Rinaldi publie son dernier roman « Résidence des étoiles » chez Fayard que je n'ai pas lu encore car c'est un plaisir dont je suis, comme tous les vrais jouisseurs, capable de retarder presque sans limite la consommation, entretenant mon désir du simple toucher de l'objet éditorial car le sais le pied que je vais y prendre.
Je commençai par le détester. Il livrait dans l'Express, du temps que ce journal n'était pas ce qu'il est devenu – et sous les regrettées signatures de Raymond Aron, J.F Revel, Olivier Chevrillon pour ne pas remonter à Malraux – des critiques littéraires d'une cruauté telle que j'en fus d'abord estomaqué. Je l'imaginais alors tel ces mignons qui en décousaient avec une témérité dénuée de scrupule, l'épée dans une main, la dague dans l'autre dont on sait bien laquelle peut être la plus dangereuse. On ne s'en tire jamais au prix d'une simple éraflure. Peut-on imaginer une discipline olympique qui célèbrerait l'épée et la dague ? Un sport de tueurs à coup sûr. C'est ainsi qu'il exécutait, et nul ne sortait intact de sa rencontre avec lui. Il reconnaissait des talents, mais ne les chroniquait guère.
Puis j'en vins à considérer la pertinence de ses froids assassinats : cet homme fondait sur la faille à découvert, sans pitié, sans la moindre compassion apparente. Ce qui lui valut sans doute tant d'inimitiés qu'il est aujourd'hui académicien sans que nul n'ait jamais osé dire qu'il est un grand écrivain.
Il est de mon point de vue le plus grand écrivain français vivant. Ce qui vous assure qu'il ne l'est pas puisque la mauvaise foi est le défaut qui m'affecte que j'ai le plus de mal à maîtriser.
Enfin je connus ses romans. Qui furent lus, de son propre aveu, de « trois lecteurs et ma concierge ». Ne cherchez nulle intrigue, nul suspense, à moins que les mouvements de l'âme vaillent action. Tout ce que vous y trouverez est une respiration qui s'écoute. Si une respiration peut résulter de la perfection grammaticale. La perfection de l'habitué de la dague et de l'épée qu'il range pour l'occasion mais qui garantit que rien n'échappe à son oeil scrutateur de l'humaine misère. Si l'homme c'est le style, plus que les histoires qu'il raconte, si Rinaldi fait du Proust, selon les méchantes langues aux papilles inaptes à discerner la « William's rouge » de la « Docteur Jules Guyot », tout est mémoire chez lui d'où ces impressions proustiennes. C'est peut-être que les deux auront trouvé le ton juste de la réminiscence. La perfection du style n'est pas là pour elle-même mais comme support aux imperfections d'une mémoire.
Peut-être, pour vous donner un avant-goût de sa prose parfaite et de son sens des relativités vous donnerai-je à cliquer ici http://www.academie-francaise.fr/immortels/discours_reception/rinaldi.html , sur son discours de réception à l'Académie française, ce qui ne vous prendra que quelques minutes et vous occasionnera, soit l'économie d'un écrivain qui n'est pas fait pour vous, à chacun ses amours, soit le plaisir pur d'une dégustation emplie de promesses.
Ce qui est sûr, c'est qu'un texticule écrit en cinq minutes - mais même en 15 jours – ne donnera jamais que le ridicule de celui qui voudrait donner une chance au lecteur de ne pas passer à côté d'un auteur essentiel que la médiasphère ignore. Ce qui en soi est déjà un indice de qualité
.

Publié dans humour littérature

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J
<br /> Je ne sais pas à quoi je sers, témoignant ici si tard... Vous passerez certainement sans me voir... Et Angelo, hélas, n'en saura rien - qu'il a un quatrième lecteur (je pars de ses comptes...) en<br /> plus de sa géniale concierge - que je salue ! Et vous déjà quatre ans que vous n'en parlez plus ! Mais moi à quoi rêvais-je ? Certes qu'il est pour moi "le premier écrivain"<br /> français contemporain. (Une parole affective, surtout, un peu comme le "je-t'aime" de Barthes - infracassable tout) Encore n'ai-je lu "que" son "Les dames de France" (Comment pourrait-on éviter<br /> la grossière restriction du "que" - puisque ce livre est pour moi l'ouverture d'un si riche univers, qui nous fait devenir en plus un ami de cet homme) Son texte de réception à l'Académie,<br /> est une merveille, presque trop parfait dans le genre... et beau presque comme un pastiche - mais sérieux (pourquoi pas?) Mais moi j'ai mis toute une journée, pour le savourer, l'annoter...<br /> pas cinq minutes. Et maintenant tant pis si je suis "en retard" (?!), je vais commencer à mieux essayer de le connaître... <br />
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O
Difficile au début d'accrocher mais tellement attachant, si l'on accepte d'entrer dans son intimité.Ûn beau lundi que tu nous offres Zorba avec Angelo.A bientôtOsiris
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Z
<br /> Ôdivinsiris, que ne ferai-je pas pour mon lecteur ! Ravi que tu entres dans l'intimité de Rinaldi, c'est bien le seul moyen de l'apprécier...<br /> Mais je n'en voudrais à personne qui me dirait que Rinaldi est un ... , tu n'as qu'à voir sur Philoforum une réaction de désaccord... avec laquelle je suis d'accord... tant il est vrai qu'il en<br /> faut pour tous les goûts.<br /> <br /> <br />
R
Quand la présentation d'un auteur  aimé est  à ce niveau  littéraire ,  on est obligé d'y aller voir .Je n'ai jamais lu  cet écrivain  quoi qu'en connaissant le nom . Si  ma découverte est à la hauteur de celle de Julien Gracq , tant pis  , tu devras assumer ma reconnaissance éternelle teintée d'un amour inconditionnel !
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Z
<br /> Amour inconditionnel pour Rinaldi j'imagine, c'est quand même lui qui écrit! Et Rinaldi, dont les détestations sont<br /> aussi célèbres (dans le microcosme) qu'affûtées, adore Gracq lui aussi. Cà fait dé"jà un point commun entre les deux.<br /> <br /> <br />