Fromages III

Publié le par zorba

 

 

Le premier réel problème de quantité – pour le qualitatif, c’est une autre histoire, presque une histoire d’amour fromager – que j’eus à résoudre fut celui du moulage. Dans quoi maintenir mes fromages afin qu’ils ne se barrassent pas dans tous les sens, qu’ils ne filassent pas à l’anglaise par le moindre défaut de jointure. Et puis de quelle taille, de quelle forme, mes fromages… ? Fromages fermes, fromages coulants… Après m’être équipé en bassines, passoires, louches et tout le toutim au supermarché de la ville, pour quel type de contenant opter dans la perspective d’un démoulage rapide afin d’assurer un nombre raisonnable de rotations sans immobiliser tout un stock de moules…

Hé hé ! C’est dans les grandes crises que se révèlent les grandes âmes, les vrais chefs, ceux qui sont capables de sauver le monde rien qu’en enfilant leur combinaison magique. Ma combinaison magique ? Des pots de fleurs.

Rébus : que trouve-t-on le plus abondamment chez tout jardinier qui se respecte, qui puisse éventuellement avoir la forme d’un fromage, qui laisse s’écouler le surplus de petit lait, dont le contenu soit facile à retourner, bref, tous les avantages et aucun inconvénient ? Eh oui : des pots de fleurs inutilisés, en plastique, faciles à laver et désinfecter…et réutilisables à volonté. Des pots tout neufs, que vous récupérez chaque fois que vous achetez une petite plante. Des pots d’un litre environ. Tout de même.

Vingt-cinq à trente fromages, chaque jour, chaque moule restant occupé trois à quatre jours, le temps d’un bon égouttage... Avec une centaine de moules ainsi recyclés, vous faites votre affaire. Mais il vous faut tout de même une grande table de travail. Et pas mal d’étagères pour laisser affiner au moins quinze jours. Ensuite, l’urgence commandant, vous pouvez distribuer des fromages déjà bien mis en route, presque à point. A chacun ensuite de décider s’il laisse vieillir ou s’il consomme tout de suite.

Oui mais au bout de quinze jours, vous vous trouvez tout de même avec un stock de 400 fromages à retourner tous les matins. En plus de la fabrication ! Eh oui, les fromages, çà se retourne tous les jours ! Pour assurer un séchage homogène.

Vous commencez à imprimer le topo, maintenant ?

Oh pour la distribution, ne vous inquiétez pas trop : dès que mes premiers amateurs eurent goûté à mes fromages, ils en redemandèrent. Trouvèrent à leur tour des gens à qui distribuer. Vous en voulez combien ? Oh trois ou quatre …çà suffira. Parfait, en voilà sept ou huit. Démerdez-vous. A ce train-là, c’est vite parti. Deux pour le prix d’un et le premier est gratuit.  Je crois que j’ai inventé le vrai communisme. Sauf que dans la vraie vie, çà ne marche pas.

Heu… Je me suis permis même, deux fois par semaine, de confectionner un tout petit fromage sans sel. Pour ma petite maman. Qui était encore de ce monde. Le fromage sans sel ne vieillit pas bien, il devient amer au bout de huit jours. Alors il faut en refaire presque à la demande, vous voyez.

Et de temps en temps, mon voisin me livrait un bidon de plus, comme çà, pour le fun. Alors celui-là, je le réservais à mes expériences personnelles d’amélioration. Des fromages plus gros. Plus longs en affinage, plus coulants. Je finis par m’apercevoir que l’idéal, c’était de faire un fromage de 2 kg, avec un bidon de 20 litres de lait. Un fromage de deux kilos, vous pouvez l’affiner six mois au moins, sans qu’il se dessèche. Et là, un vrai délice. Coulant à souhait. Dites, une fois, j’en fis un de 10 kg. Dites. Avec 100 litres de lait d’un coup. Et vous savez dans quoi je le moulai ?  Dans un tamis de maçon !  Attention hein, pas directement sur le grillage en fer, çà lui aurait donné un goût… Mais bref, je passe sur les astuces et combines, personne ne va fabriquer un fromage de 10 kg ici. Car dans ce cas, je suggère vraiment un moule de professionnel en inox. Nous n’en sommes pas là.

J’en fis de toutes sortes, des fromages. Des entourés de feuilles de vigne. Des entourés de feuilles de châtaigner. Des à l’ail. Des au curry. Pas un jour sans son petit essai de nouveauté… Mais en matière de fromage, on n’invente jamais rien, tout a déjà été fait.

Mais le problème, c’est qu’il fallait aussi que je les goûtasse, mes fromages ! Ah mon dieu… Faut-il que je sois bonne bête et de solide nature : j’ai failli me recoller du cholestérol dites donc !

Bon allez, le prochain coup, je vous achève l’histoire avec l’affinage. Vous ne serez pas venus pour rien.

Publié dans humour littérature

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M
Je découvre que le fromage doit être retourné chaque jour pour sêcher unifomément! Comme les mauvais souvenirs!Curieux.
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Z
<br /> Ah bon ! Je n'avais pas fait le rapprochement. Faire sécher les mauvais souvenirs... Cà c'est une idée !<br /> <br /> <br />
O
Il faudrait que nous les goûtassions tous ! aussi tu en es où, le tome 4 arrive ? tu nous fais saliver ...... et après l'affinage..... la livraison !!! c'est dans le bon ordre non ? oui ?osiris
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Z
<br /> <br /> Tu veux dire "le tome" ou "la tome", Ôdivinsiris...?  <br /> Oh alors la livraison n'a jamais posé le moindre problème, crois-moi. Avec les gourmands que nous avons dans le coin, ils t'auraient même apporté le pain tout frais et le pinard qui va zavec.<br /> Heureusement, je déclinais toujours ce genre de festivité parce qu'alors c'est pour le coup que j'aurais pris du poids. D'ailleurs je prévenais toujours : n'en abusez pas, c'est du 100%<br /> cholestérol.<br /> <br /> <br /> <br />
R
Bon  , j'en veux ...je salive ...j'en veux !
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Z
<br /> <br /> Dis-moi Roussote, il me semble qu'en Auvergne vous n'êtes pas ratés pour les fromages hein...? Parce que chez nous, ce n'est vraiment pas une spécialité, sauf peut-être les chèvre.<br /> Un de ces jours, il faudra que je m'offre une visite guidée de fromagerie. Je crois que là je vais prendre mon pied...<br /> <br /> <br /> <br />
C
Des pots de fleurs et un tamis de maçon !? jamais je n'aurais été chercher ça, au niveau hygiène, je ne sais pas, ça ne me serait pas venu à l'idée je crois.
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Z
<br /> Pour le tamis...c'est limite. J'en avais tapissé l'intérieur de feuilles de vigne. Pour les pots de fleurs en plastique, aucun problème, une fois lavés et désinfectés, ils sont tout neufs. C'est<br /> comme si on faisait le fromage dans une passoire en platique... Y a toujours moyen..avec un peu d'astuce... Ce<br /> qu'il y a de bien avec le fromage, c'est que c'est rustique : autrefois, on le faisait sécher sur la paille direct...<br /> <br /> <br />