Maths

Publié le par zorba

 

Il y a une forme de snobisme à se revendiquer nul en maths. Moi je dis tout net que c’est une tare, dont je suis le premier affecté et partant, inconsolable. Le mathématicien n’est peut-être pas celui qui comprend le mieux le monde, mais il dispose de tous les atouts en tête pour pouvoir le faire.

Mais pourquoi devient-on nul en maths ? Du fait de l’environnement culturel ? Certainement. Par paresse intellectuelle ? Oh que oui. Mais surtout par inactivation du sentiment.

Qu’est-ce qui fait que l’on devient artiste ? Lorsque l’on se trouve, très jeune, à fréquenter avec un minimum d’assiduité des cercles artistiques, la capacité d’émotion se trouve entraînée, sollicitée, et l’enfant éprouve du plaisir à éprouver. Eprouver des sentiments. Un artiste est né en lui. Il est demandeur de stimuli. De sensations, de connaissances. Si a contrario, très tôt, les mathématiques font figure de pensum, de punition, parce qu’elles sont présentées comme arides, le plaisir à y éprouver un sentiment quelconque disparaît aussitôt. Au contraire, c’est le sentiment de déplaisir qui est activé. C’est terminé : vous avez un futur nul en maths, et qui par dépit – ou sottise - se revendiquera comme tel.

Le sentiment ne se commande pas. Si par la suite, le mal-éveillé aux maths vient à réaliser non seulement l’utilité des maths, mais aussi leur intrinsèque beauté, c’est quand même cuit pour lui : il ne pourra aller contre un sentiment installé en lui et qui lui tient fermées les fenêtres de la compréhension. Certes un travail acharné peut l’amener à connaître et appliquer des formules apprises, il lui manquera toujours ce sentiment, ce toucher des maths, irremplaçable, perdu. Irremplaçable est aussi le sentiment que l’on acquiert d’une chose par des connaissances, ou des exercices. Tout est lié, tout est continuité. Il faut que le fonds émotionnel soit activé, à défaut on perd cette capacité émotionnelle, et l’apprentissage devient sans intérêt, il ne déclenche nulle passion, on devient au mieux un artisan, jamais un artiste.

Je suis péniblement un artisan mathématique de niveau bac, point final. Et n’irai jamais plus loin, à mon grand désespoir. D’abord parce que je n’ai plus le temps, mais surtout parce que j’en ai perdu le potentiel émotionnel. Perdu à jamais pour n’avoir pas été sollicité. Ou pour mieux dire, l’avoir vécu comme pensum. C’est çà, les maths. Comme tout le reste. Le goût des mathématiques n’est pas différent des autres, pourquoi le serait-il ?

Faites éprouver à un enfant, très tôt, le plaisir de compter sans jamais prononcer les mots « faux » ou « échec », ni manifester le moindre déplaisir, et vous aurez potentiellement un artiste en mathématiques sous la main. Tapez-lui sur les doigts lorsqu’il se trompe et c’est foutu, son sentiment s’en détournera puisqu’il ne lui apporte que déboires.

Bien entendu, tout n’est pas encore joué. Lorsque l’émotion est éveillée, avec le plaisir, vient ensuite le travail, de même qu’à tout musicien il faut le solfège pour aller plus loin, une organisation des connaissances, afin de ne pas laisser se développer une jachère. Mais le solfège n’est jamais lui-même qu’un instrument, un outil. Que l’on oublie dès qu’on le possède. Et qu’est-ce qui reste ? Le sentiment, toujours.

Le peintre en oublie son pinceau, sa spatule, sa technique. Ils sont intériorisés et influencent son sentiment. Il peint comme il respire. Avec ce qu’il a en lui : émotion et connaissances mêlées, indissociablement. Le joueur d’échecs, de même, oublie les coups qu’il a savamment répertoriés : il joue au sentiment, contrairement à l’ordinateur. Lequel joue (est-ce encore jouer ?) sans plaisir, sans enjeu, sans émotion, parce qu’il est commandé et agit par recension. C’est un bidule. D’une extrême sophistication bidulistique. Enervez le joueur d’échec, il perdra une bonne partie de ses moyens, son sentiment est perturbé. Vous n’énerverez jamais un ordinateur : il connaît toutes les combinaisons et les applique. Il est bête. Mais instruit. Que çà lui plaise ou non. C’est une machine-outil . Qui remplace l’artisan. Mais de génie, point.

Nous n’aurons bientôt plus besoin d’artisans, les robots les auront remplacés. D’une manière ou d’une autre. Nous n’aurons bientôt plus besoin que de génies sentimentaux. Oui mais voilà : le génie peut aussi bien se dévoyer faute de direction. Et qu’est-ce qu’un génie dévoyé ? Un idiot qui n’a pas su diriger sa marche. Conscient de ses capacités mais incapable de les utiliser à bon escient. Et qu’est-ce que le bon escient ?

Alors là, seul un génie pourrait le dire.

Il va falloir inventer la science du bon escient. Une épistémologie quoi. L’épistémologue est l’expert de l’avenir. Ce qui demande un sentiment mathématique. Et nous voilà revenus au point de départ : il y a une forme de snobisme à se revendiquer nul en maths avec l’excuse que l’on est bon à autre chose. Et une bonne dose de bêtise satisfaite de soi.

Je suis nul en maths, mais il ne me viendrait pas à l’idée de m’en vanter ! Bien que je n’y sois pas pour grand-chose si l’on a compris la genèse du truc. Je suis nul en maths, et c’est dommage. Mais je suis bon à autre chose, comme tout un chacun. Cà ne fait rien. Ce n’est pas une satisfaction.

Publié dans humour littérature

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C
<br /> Voir mon blog(fermaton.over-blog.com),No-25. - THÉORÈME DU TOUT. -  TU AIMES LE MONDE ?<br />
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M
Bien sûr, la motivation, bien sûr les professeurs, bien sûr la culture..Mais l'individu!La théorie qui dit que l'enfant est une glaise n'est pas fausse... Mais toutes les glaises n'ont pas la même composition!  L'enfant a déjà en lui une quantité de prédispositions et d'indispositions!!  Et c'est tant mieux!Mais c'est aussi le problème, car ni lui ni ses parents ne les connaissent vraiment.
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Z
<br /> Prédispositions, c'est sûr. Indispositions, je ne comprends pas... Il faut qu'elles aient été installées.<br /> L'homme n'a que les dispositions de son espèce et elles sont grandes, il ne reste que des dispositions inexploitées.<br /> <br /> <br />
R
Je n'avais jamais envisagé le problème sous cet angle.Merci Zorba pour cette nouvelle ouverture. 
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Z
<br /> On a toujours besoin d'ouvertures Renard, moi le premier...<br /> <br /> <br />
C
Moi je ne connais pas du tout Il divo ! une âme charitable pour faire passer le lien en question, please !!!
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Z
<br /> Je ne peux pas te mettre le lien correct, il te suffit je pense de taper il divo, c'est très connu et je crois que tu vas te régaler.<br /> <br /> <br />
C
"On est presque dans le masochisme dis donc..."C'est pour ça que je dis toujours : l'enfer c'est ici !!! sur terre.
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Z
<br /> <br /> Hé bien, peut-être est-il possible de s'aménager, en plein enfer, son petit coin de paradis... C'est ce que je m'efforce de faire : ne pas souffrir pour rien. Si je n'y suis pas<br /> obligé..<br /> <br /> <br /> <br />