Godasses.

Publié le par zorba





L'affaire du "lancer de chaussures" sur Bush par un journaliste irakien, quelle affaire ! Chapeau, le journaliste ! J'ai craint pour lui et j'espère de tout coeur qu'il ne lui sera fait aucun mal. Vraiment.
Geste courageux d'abord. Faut tout de même oser, dans un pays aussi instable ! Original, aussi. Fallait y penser ! Ou plutôt ne pas y penser, tellement le geste paraît spontané, sincère. Bien joué, l'artiste. Le compliment est lui aussi sincère.
Mais dommage.
Dommage que Bush ne se soit pas montré à la hauteur. Je l'aurais bien vu, moi, bloquer les chaussures, et les renvoyer à la gueule du journaliste. Qui aurait pu ainsi recommencer l'échange. Car bloquer une chaussure qu'on vous lance, il n'y a rien de plus facile. Essayez. Pas besoin de s'appeler Fabien Barthès, vu qu'on vous lance le projectile - inoffensif - en plein dessus, et pas dans la lucarne, ou après un faux rebond. A la distance d'un pénalty, n'importe qui peut faire çà. Ou alors c'est que Bush était crispé ? Tétanisé ? Dommage pour son image. Bref, même sans la participation de Bush, le geste est entré dans la légende. Comme celui de Krouchtchev frappant de sa chaussure sur la table de conférence. Ce sont de grands moments d'histoire. Dans quarante ans, on en parlera encore. Bush, le Président savaté.
C'est après que ma joie se gâte.
Depuis, partout dans le monde, on assiste à des lancers de godasses à propos de tout et de rien. Et voilà : les foules panurgistes se croient originales en reprenant un geste unique et elles en deviennent ringardes. Une fois de plus, la foule est bête. Ne fait plus rire personne. Sauf les moutons bien sûr. Qui continueront à croire jour après jour qu'ils ont inventé l'eau chaude. Imaginez, si depuis quarante ans, on avait pris l'habitude à tout propos d'ôter une de ses chaussures pour taper sur la table : holà, le gigot ! Quel ringard, ce Zorba, et en plus il est fier de lui, il se croit original ! Mon dieu qu'il est bête. Et pourtant Krouchtchev avait fait rire le monde entier. Vous saisissez la différence ? D'un côté un geste inventif et jamais vu, brevetable, de l'autre sa pâle imitation, une ânerie sans qualificatif assez compassionnel.
Vous comprenez, maintenant, pourquoi je n'aime pas les foules ? Autant je peux aimer les gens, individus, légers, primesautiers, autant je déteste les masses à front de boeuf et leurs troupeaux piétinants.
Alors on va dire, et je le conçois très bien, ce geste est devenu un symbole. Et le propre d'un symbole est d'être repris par le collectif. De faire unanimité, langage commun. Tant que vous voudrez... Mais justement. Le propre d'un symbole, c'est aussi de ne plus donner à réfléchir. Un symbole cristallise le sens, le fige. Même en physique, tenez, lorsqu'on admet un symbole, il sert à faciliter les opérations de routine : c'est sa seule fonction. On ne le remet plus sur la planche à laver. Ou à repasser. Voilà, c'est fini. Lancer godasse être symbolique, pas réfléchir. On n'est pas d'accord ? On lance sa godasse parce que çà se fait désormais. Point. Même pas virgule. Pas de questionnement. Pas la moindre lueur d'intelligence à peser le pour, le contre, le pourquoi. On est la bête de la stabulation libre (libre !!!! Je ris !)
Ce n'est pas rigolo, ce que je dis là ? Bien sûr que non. C'est même triste. Triste à pleurer. Tiens, j'en pleure sur mon clavier. D'une tristesse qui me fait braire. Mes larmes rendent mes tapotes glissantes. Mes touches ? Pourquoi mes touches, parce qu'on les touche ? Moi je les tapote. Donc ce sont des tapotes. Ah que voulez-vous, les symboles et moi, çà fait deux. Ce qui pour tout un chacun se symbolise comme "touches", chez moi devient "tapotes". Je ne peux rien faire comme les autres. D'où mon malaise en société. Dans la foule. Les rassemblements. La foule m'étouffe. Même aux enterrements, je bande à part. La foule est pour moi symbole de bêtise. Alors çà pour le coup, c'est pour moi le symbole absolu. Humain, symbole d'intelligence, foule symbole de bêtise. C'est vrai çà, quoi. Il y a donc incompatibilité de l'homme à lui-même. C'est çà, la vérité de l'homme. Faut pas m'en vouloir hein...je ne peux pas me changer. Même pour vous faire plaisir. Le coup de la godasse à Bush, j'adore. Après, le coup de la godasse sur tout ce qui Bush, je pleure. Ah, ma vie n'est pas un chemin de roses, n'allez pas croire. Autant j'aime les tête-à-tête, autant je honnis les tête-à-foule. Voilà pourquoi j'aime aussi autant les livres : on est seul, en conversation avec l'auteur. Même si on n'est pas d'accord. C'est encore mieux, même. Voilà. Mon dieu; faites qu'il n'y ait pas foule à mon enterrement. Je ne le supporterais pas.

Publié dans humour littérature

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F
De toutes façons, on pourra pas continuer à lancer des godillots sur tout ce qui s'agite : en raison du prix prohibitif des grôles assez lourdes pour être projetées (je ne parle pas ici du lancer de charentaise, sport honnête pratiqué par des gens du cru) le lancer de godasse sera un sport réservé aux riches !
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C
A ton enterrement ,il n'y aura pas une foule anonyme mais des personnes qui t'aiment et qui  peut-être finiront par  aller casser une croute en riant  , les yeux mouillés , au souvenir de tes frasques ...chacun porteur d'une part de ton histoire , chacun malheureux et pourtant chanceux d'avoir croisé ta route .
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Z
<br /> Trop sympa Christine. Eh bien il sera donc ainsi et c'est très bien...<br /> <br /> <br />
C
Il ne manquerait plus que tu fasses comme les autres, tu perdrais tout ton charme ! Une buvette alors ? avec des rondelles de saucisson pour grignoter avec merci.
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C
Bien vu, et bien d'accord. De toute façon je suis sauvée, je suis une sauvage. Et je suis tranquille pour ce qui est du jour de mon enterrement. Par contre toi, je ne sais pas !
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Z
<br /> <br /> Ah ben tiens, tu fais bien de m'en parler : je vais prendre mes dispositions testamentaires pour que soit installée une buvette à la sortie du cimetière. Que les gens se réconfortent un<br /> peu...tout de même. hi hi, je me marre d'avance : "ce Zorba, il n'a jamais rien fait comme les autres..."<br /> <br /> <br /> <br />
B
ton texticule souléve une interrogation :tiens celui que l'on ne voit plus c'est "l'entarteur" !!il me plaisait bien celui là c'est vrai que jouer avec la nourriture c'est pas trés moralon ne lance plus de tomates non plus d'ailleursalors vive le lancer de groles ça va relancer le marché !!bonne journée zorbabisous
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Z
<br /> Eh oui Berhed, probablement l'entarteur a vieilli, et puis une chaussure est plus facile à trouver qu'une tarte. L'attentat pâtissier demande préméditation...<br /> <br /> <br />